- Tacos, tulips, ducks and spices -
T'es une chic fille. Au premier abord t'es un peu réservée sans être timide pour autant, en fait, tu t'ouvres pas vraiment aux autres suite à certains épisodes pas franchement glorieux de ton passé. Tu feins être une fille froide et stoïque que t'es pas vraiment. Հ Lorsqu'on apprend à te connaitre, on découvre que t'es une fille qui a le coeur sur la main, tu donnes sans chercher à recevoir, t'es toujours là pour ses proches et t'aimes sans compter. On a essayé de profiter de toi à cause de ça, alors tu veilles à te construire une carapace à travers laquelle peu de personnes réussissent à voir. Autant dire que gagner ta confiance est une mission quasi impossible. Հ Tu as beau être plutôt pessimiste et anxieuse, tu ne sors jamais sans ton sourire. Le sourire est le dernier bastion de délicatesse de ceux qui n’ont plus rien à gagner. Tu en fais partie. Tu n’as rien à gagner. Rien à perdre. Tu as tout. Tout ce que tu as toujours rêvé d'avoir. Հ Tu aimes tes amis. Ils te ressemblent. Inconscients. Immatures. Pédants. Blasés. Cyniques. Désabusés avant l’âge, irresponsables après l’heure. Հ T'es intelligente. Tu as été diagnostiquée surdouée très jeune. Tu n'as pas besoin de fournir de gros efforts pour réussir ce que tu entreprends. La preuve, tu passes tes nuits à faire la fête et ça ne t'empêche pas d'exceller au boulot.

- Is there a scarlet letter on my breast
Il y a trop de monde. Partout. Dans les restos où tu manges mal. Dans les vernissages où tu t’extasies sur des œuvres qui ne te touchent pas. Dans les halls d’aéroport où tu rêves de fuite. Et dans cette fête sans joie où tu te pavanes avec ta robe hors de prix, il y a aussi trop de monde. Trop de monde que tu connais. Tu dis bonjour. Machinale et souriante. Tu ne ressens rien. Sourires se circonstances. Tu fais la fête. Ce que tu fais de mieux. Ton cœur est sec. Ton rouge à lèvres parfaitement appliqué. Tout va bien. Tu n’attends pas grand-chose. De toute façon, tu ne sors quasiment que pour meubler les discussions du lendemain. Rien ni personne n’arrive à vraiment te surprendre. C’est bien ça le problème. Tu fais partie d’une jeunesse que les autres disent dorée mais qui ne brille pas vraiment. Tes occupations n’ont rien de très lumineux. Tu écoutes des ragots et analyses la froideur de certaines poignées de main. Rien n’échappe à ton regard. Tu tentes de comprendre le cours de la bourse des vanités. Tu remarques celui qui a changé de look. Préférant la chemise ouverte sur un tee-shirt à la veste sur chemise, optant pour la fausse négligence d’une barbe de quelques jours : autant de signes qui annoncent une nouvelle maîtresse, plus jeune. Tu contemples avec désolation l’union sordide et prévisible d’un tordu et d’une écervelée. Elle bat des cils, elle a bien appris la leçon. Il fait tinter les deux glaçons de son verre de whisky, il sait que la virilité est aussi d’apparence liquide. Elle boit à la paille un cocktail trop sucré. Tellement cliché.

Cet ersatz d'Apollon vient faire jouer ses muscles devant toi. Il te fait quelques compliments banals et affligeants. Il voit bien que ses paroles t’ennuient. Il cherche à te surprendre. Il ose te parler d'Hemingway dans une phrase bancale. Tu salues l’audace mais tu as surtout très envie de rire. Tu as très envie de rappeler à cet inculte au col blanc parfaitement amidonné que In our time n’est absolument pas son livre préféré, c’est juste le seul dont il se souvienne du titre. Tu files remplir ton verre qui est autant à plaindre que toi. Tu te nourris de trois petits fours et de trop de Sancerre. Dans les lits des autres, tu ne sais pas rêver. Alors tu t’assommes avant d’éventuellement y atterrir. Tu trouves indécents ces gens qui se sentent obligés de raconter leurs inintéressantes vies à des gens qui s’en foutent. Et puis surtout tu continues de faire semblant que tout va bien. De toute façon, quitte à choisir, tu préfères largement ta vie d'aujourd'hui à celle que tu menais avant. Tu es plus toi même. Tu dis ce que tu penses. Tu ne refoules plus tes envies.

T'as grandit en écart de la société moderne. Chez les Amish. Cette bande de cinglés refusant de se conformer au reste du monde et dont la vie est basée sur l'application pratique des enseignements d'un bouquin vieux comme Mathusalem. T'avais huit frères et sœurs. T'étais obligé de porter des robes hideuses et de couvrir ta tête parce que l'apôtre Paul mort il y a des lustres l'avait décidé. T'as dû t'adonner à un tas de conneries spirituels que tu trouvais stupides. L'année de tes seize ans, t'as fugué. T'as profité du rumspringa, une sorte de rite de passage durant lequel les adolescents sont temporairement libérés des règles de la communauté pour le faire. Vous étiez autorisés à sortir un weekend. Vous étiez chaperonnés par des adultes, mais parmi rares étaient ceux qui osaient fuir alors ils n'étaient pas sur leur garde. Toi t'as sauté sur l'occasion pour te sauver. Tu détestes ta communauté. Tu la détestes du plus profond de ton cœur. T'as jamais choisi de mener une vie comme celle-ci. Sans confort. Sans adrénaline. Sans plaisir. Ils t'ont volé ta jeunesse. Ils ont faillit gâcher ton potentiel de dingue. C'est que t'as un QI supérieur à la moyenne, toi. À tes yeux, ces individus avec qui tu partages une partie de ton code génétique ne représentent qu'une partie de ton passé et tout ce que tu rejettes à longueur de journée. Après ta fugue, t'as été placée en famille d'accueil. Des gens payés par l'état pour t'offrir un toit. C'est ce qu'ils représentaient pour toi. Rien de plus. Rien de moins. T'as eu de la chance, sur toutes les familles d'accueil sur lesquelles personne n'a essayé de te faire du mal ou de profiter de toi. On t'en a raconté des histoires glauques dans le bureau de l'assistante sociale. T'as bossé pour financer tes études, mais finalement t'as su décrocher une bourse alors tes économies t'ont servies à te faire plaisir.

Depuis, t'essayes de rattraper le temps perdu, mais il y a une chose à laquelle tu n'as pas envie de gouter, l'amour. Tu n'es pas fleur bleue. Tu n'es jamais tombée amoureuse. Tu trouves ces personnes qui s'attachent trop à d'autres niaises. Tu ne comprends pas que l'on puisse volontairement se laisser devenir dépendant d'autrui. Alors avec toi, il n'y a pas d'attaches. Tu te jettes dans des bras sans le moindre émoi, juste pour combler ton indicible vide. Des bras qui te désirent autant qu’ils te rassurent. Ça ne te comble pas forcément, mais tu n'as jamais cherché à trouver mieux. Au contraire, tu t'es créé une sorte de carapace, pour te protéger de ce sentiment qui fait trop souffrir autour de toi, l'amour. Tu ne crois pas en l'amour au premier regard, alors tu te protège de ce que tu préfère appeler la dépendance affective tout simplement. Quand tu sors, tu espères souvent prolonger tes nuits. Tu tentes de t’offrir un léger supplément de rêve à défaut d’âme. Tu cherches à tout prix à rester le plus éloignée possible du retour à la réalité.